La filière cheval de sport vit actuellement un certain nombre de changements de paradigmes liés à de nouvelles approches de la pratique sportive mais aussi à une évolution de la relation que nous souhaitons avoir à l’animal de manière générale, au cheval pour ce qui nous concerne. La vision que nous avons de l’hébergement individuel de chevaux de sport fait partie de ces habitudes, aujourd’hui remises en question. Si une gestion en groupe de chevaux destinés à une pratique sportive ne peut se faire qu’avec l’adhésion de leurs propriétaires, cette « nouvelle » approche s’accompagne d’une démarche autour de la sécurité. Tout ceci dans le but que la balance bénéfice (bien-être) /risques (accidents) reste largement positive. Le déferrage (pieds nus) est l’un de ces points clés qui accompagnent la transition d’un hébergement individuel à une vie en groupe en sécurité.

Michel Robert a franchi cette étape depuis de nombreux mois . Qui de mieux que Michel lui-même pour nous parler de cette évolution. Loïc Athias, maréchal de Michel, nous partagera également sa vision sur son accompagnement des chevaux et des cavaliers dans cette transition.

HORSE STOP® : Bonjour Michel, on voit sur le circuit de plus en plus de cavaliers de haut niveau dans de nombreuses disciplines, dont le CSO , évoluer avec des chevaux non ferrés. Vous vous êtes aussi posé cette question et avez fait évoluer vos pratiques depuis de nombreux mois. Pouvez vous nous raconter pourquoi et comment cette transition s’est opérée dans vos écuries?

Michel Robert : Je suis toujours ouvert à l’innovation. Par ailleurs, je tiens toujours à avoir un temps d’avance pour rester compétitif. Le bien-être des chevaux est, comme vous le savez au cœur de mon approche. C’est pourquoi lorsque Loïc Athias m’a présenté son approche, je lui ai fait confiance et nous avons commencé à enlever les fers. Envisager l’approche des pieds des chevaux dans le cadre général de leur bien-être correspond bien à ma philosophie. En effet, la transition s’est faite avec sérénité et calme.

constructeur ecurie

HORSE STOP® : Si le pied nu sur terrains en sable ou dans les paddocks s’imagine facilement, quelle solution envisager sur terrain en herbe ou sur terrains durs et variés?

Michel Robert
Michel Robert et Nenuphar'Jac - la Baule 2013

Michel Robert : Effectivement, le choix des terrains doit se faire avec encore plus de précautions tant pour l’entrainement, la vie en paddock que pour les terrains d’entrainement. Pour les chevaux plus sensibles le marché de l’hipposandale est devenu suffisamment large pour offrir des solutions techniques efficaces, il faut seulement prendre le temps de trouver le modèle adapté au cheval.

Pour le concours sur herbe, nous choisissons de garder le cheval le plus longtemps possible déféré et d’apporter une solution de « chaussure »ponctuelle pour les concours sur herbe.

HORSE STOP® : Changer de maréchal est toujours un sujet sensible, qui plus est pour des chevaux de compétition de haut niveau

Michel Robert : Comme chaque fois qu’une nouvelle technique émerge, trouver le bon professionnel dans lequel on peut mettre sa confiance est une étape clé, je dois dire que Loïc Athias est venu se présenter naturellement et que son approche m’a plu, le courant est naturellement passé entre nous. Mais c’est à lui de vous répondre sur les points les plus techniques.

La transition vers les pieds nus selon Michel Robert et Loïc Athias, son maréchal ferrant

HORSE STOP® : Quels avantages voyez-vous à cette pratique?

Michel Robert: Je n’y vois que des avantages : Proprioception, santé des pieds, qualité de la fourchette et possibilité de mettre les chevaux en groupe sans risque de blessure avec les fers. L’approche du cheval est plus globale, ce qui n’est pas pour me déplaire.

HORSE STOP® : Vous avez en projet de faire progressivement évoluer le mode d’hébergement d’une partie de votre piquet de chevaux depuis le box traditionnel avec sorties au paddock vers une écurie active. Pouvez-vous nous donnez quelques nouvelles du projet?

Michel Robert : Le projet a rencontré quelques soucis administratifs liés au foncier. Cependant, il reste d’actualité et nous étudions actuellement la faisabilité sur une parcelle différente de celle initialement envisagée.

HORSE STOP® : Loïc Athias, vous êtes le maréchal ferrant des chevaux de Michel Robert, vous vous êtes présenté à lui avec une approche vers le pied nu et il vous a fait confiance. Pouvez-vous nous présenter votre approche et votre démarche?

Loïc Athias : Passer du pied ferré au pied nu a d’abord été le fruit d’une démarche et d’une expérience personnelle avec mes chevaux. Au fur et à mesure de ma formation et de mon expérience sur cette approche, j’ai ferré de moins en moins. J’ai également fait transitioner de plus en plus de chevaux avec leurs propriétaires. À l’occasion d’un changement de région pour arriver dans l’Ain, je suis passé à une activité 100% pied nu et j’ai commencé à travailler avec Michel Robert. Il a senti l’évolution et comme il est très respectueux du travail que je fais sur les pieds et les soins à apporter, notre collaboration a très vite été positive.

Je tiens à insister sur le fait que le passage au pied nu ne peut et doit se faire que dans le cadre d’une approche globale du cheval. Un pied en bonne santé, robuste et fonctionnel n’est que le reflet de la santé globale du cheval. C »est aussi une façon de le gérer qui le prend en compte dans sa globalité. Ainsi, l’alimentation, les sols sur lesquels le cheval travaille et évolue, la qualité de l’équitation de son cavalier et l’ensemble des soins et du cadre de vie de manière générale sont des facteurs qui influent sur sa santé et par voie de conséquence celle de ses pieds.

Sabot avant le passage aux pieds nus
Sabot après le passage aux pieds nus et après plusieurs parages

HORSE STOP® : Comment procédez-vous pour convaincre un cavalier de passer du cheval ferré au cheval pieds nus?

La transition vers les pieds nus selon Michel Robert et Loïc Athias, son maréchal ferrant

Loïc Athias : Je n’essaye de convaincre personne sur les pieds nus. Le haut niveau induit notamment des contraintes fortes sur la santé locomotrice et générale des chevaux. Les cavaliers en prennent conscience. Ce sont eux qui viennent à moi soit par conviction, soit parce qu’un cheval rencontre un souci orthopédique et qu’ils cherchent une solution. Je leur présente alors tous les points qu’il va falloir envisager pour cette transition : durée indéterminée de la transition, renoncer parfois à certains terrains qui ne sont temporairement pas compatibles avec les pieds d’un cheval délicat.

L’implication du propriétaire est indispensable dans cette approche. De plus, il doit être vigilant au respect des recommandations. À partir de là, c’est ensuite particulièrement agréable d’observer l’évolution de chaque cheval.

HORSE STOP® : Chez HORSE STOP®, nous prônons un hébergement le plus respectueux possible des besoins de chaque cheval. L’écurie active pour l’hébergement en groupe est notamment une des solutions que nous proposons. Quel est votre point de vue sur ce sujet?

Loïc Athias : Plus le cheval va pouvoir bouger et se déplacer sur des sols variés, plus ses pieds seront stimulés, plus ils vont s’adapter et gagner en santé, en fonctionnalité et en robustesse. Que ce soit en écurie active ou en hébergement individuel, des sols sains mais variés et une locomotion libre ne peuvent être que des facteurs de santé du pied.

HORSE STOP® : Pouvez-vous nous résumer les enjeux et les bénéfices du passage aux pieds nus selon vous?

Les bénéfices des pieds nus sont d’abord une évolution de la posture et de la locomotion du cheval. En effet, ces dernières vont avoir des conséquences sur son bien-être, son mental et sa disponibilité. Les enjeux sont d’abord d’entrer dans une vision globale du cheval qui prend en compte l’ensembles des soins, de son environnement et des professionnels qui gravitent autour de lui (vétérinaire, maréchal, nutritionniste, dentiste etc.).

Enfin, il ne faut pas rester non plus dans une position radicale autour du pied nu, en fonction des chevaux, des terrains et des activités, des solutions alternatives au fer métallique pour « chausser » les chevaux en respectant le fonctionnement et la distorsion du pied. Je garde en tête certains « fers » plastiques qui peuvent répondre à certains besoins particuliers.

Le métier de maréchal ferrant est aujourd’hui en pleine évolution. C’est d’ailleurs l’occasion de grandes remises en question et de possibilités d’innovation. C’est également l’occasion de travailler plus en équipe et en synergie avec l’ensemble des professionnels. Ceux-ci prennent part à la performance sportive et qui contribuent au bien-être du couple cheval/cavalier.